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Actualités

Appel à contributions: histoires, méthodes et actualités des savoirs situés féministes

Histoires, méthodes et actualités des savoirs situés féministes
Séminaire et colloque

En 1988, Donna Haraway publiait « Savoirs situés : la question de la science dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle ». Discussion, à l’origine, autour des travaux de Sandra Harding (The Science Question in Feminism, 1986), ce texte s’ancre plus largement dans les débats suscités par la théorie du standpoint et l’idée d’une « objectivité féministe » dans le domaine des sciences naturelles (Evelyn Fox Keller, Sandra Harding, Ruth Hubbard) et sociales (Nancy Hartsock, Jane Flax, Hilary Rose, Dorothy Smith, Joan W. Scott, Patricia Hill Collins). Tout en déclarant ses affinités avec la déconstruction, son lien aux science studies ou encore sa fidélité à l’héritage marxiste, cette critique féministe de la science et de l’épistémologie dominantes s’en distingue pourtant. Certes, l’attention aux matérialités et aux discours, l’historicisation des savoirs, la conscience de la domination, la critique de
l’hégémonie, le souci de tenir ensemble connaissance et émancipation, de faire une place au point de vue des assujetti·e·s, et la volonté de fournir une meilleure description du monde restent à l’ordre du jour, mais ces féministes renouvellent les manières de poser ces questions.

Consolider la proposition d’une objectivité féministe et faire de la place au « point de vue » réclament, selon Haraway, de réinvestir la corporéité de toute vision. Nous voyons avec nos yeux et nos corps, mais aussi au travers de systèmes techniques et sémiotiques, à travers des dispositifs de visualisation, qui sont autant de manières de voir. Cette vision incarnée – nécessairement localisée, limitée, partielle – fait du « comment voir » une question cruciale et repousse un double fantasme : celui, positiviste, d’une objectivité conquise « de nulle part », d’une position pleine et totale, comme celui, relativiste, de l’interchangeabilité infinie et indifférente des perspectives. En ce sens, parler de savoirs situés n’est pas faire de la partialité un but en soi : c’est la cultiver comme un « positionnement » (María Puig de la Bellacasa). L’enjeu de cette notion n’est pas la défense d’une identité ou d’une position donnée (réputée plus juste ou plus vraie). Il s’agit plutôt de rendre compte des lieux et des histoires depuis lesquelles nous voyons et produisons des connaissances ainsi que de construire, depuis ces localisations, des connexions partielles (Marilyn Strathern) avec ce, celles et ceux, humain∙es et autres qu’humain∙es, qui partagent nos mondes. C’est donc aussi se défaire de l’idée du monde comme objet passif, pour le penser comme lieu où nous vivons, comme un agent avec lequel nous cherchons à « lier des dialogues non innocents » et à inventer des façons de connaitre, d’agir et de vivre responsables (c’est-à-dire, selon le sens que lui donne Haraway, dont on peut répondre). Aussi la proposition des savoirs situés estelle tout à la fois épistémologique, politique et éthique : une autre manière d’entrer dans les trames du savoir et du pouvoir.

À l’heure où nombre de chercheur·euse·s, d’activistes ou encore d’artistes se réclament des « savoirs situés », nous proposons d’en réexplorer les significations selon trois axes (non exclusifs les uns des autres) :

Explorer les sources, explicites ou implicites, qui sont à l’origine de « Savoirs situés » de
Haraway. L’hypothèse qui sous-tend ce premier axe d’exploration est que ce texte est un chœur à plusieurs voix où entrent en polyphonie non seulement diverstextes mais aussi, plus largement, les débats épistémologiques, scientifiques et politiques du contexte dans lequel il est apparu. Comment ce texte se positionne-t-il relativement aux travaux de l’épistémologie féministe dite du standpoint ? Quels rapports entretient-il avec la réception, aux États-Unis, de la déconstruction derridienne ou de la psychanalyse ? Quels sont ses liens avec l’élaboration de la pensée féministe noire (Hill Collins, bell hooks) ou les théorisations postcoloniales et décoloniales proposées par les femmes habitant et parlant depuis des territoires-frontières (Gloria Anzaldúa, Chela Sandoval, Chandra T. Mohanty) ? Quelle est la contribution spécifique de l’écoféminisme à la critique féministe des sciences et à l’élaboration de l’idée de « savoirs situés », dans un temps où l’escalade nucléaire posait à nouveau la question de la survie de la terre et de ses habitant·e·s ?

Questionner la manière dont la proposition des savoirs situés se positionne, eu égard aux
traditions philosophiques et aux épistémologies des sciences sociales et historiques qui ont, elles aussi, affirmé et revendiqué le caractère situé du savoir et cherché à donner sa pleine présence à une subjectivité incarnée. Ce deuxième axe de réflexion engendre des questionnements comme : quelle continuité et quelle différence avec le « perspectivisme » de la phénoménologie husserlienne ? Avec la critique du « point de vue de survol » chez Merleau-Ponty et sa revendication de l’enracinement du savoir dans l’activité perceptive, dans l’entrelacement du symbolique et du sensible ? Avec l’affirmation du caractère historiquement situé du savoir et de l’écriture chez Sartre, et la tentative de construire à partir de là une posture d’engagement ? Avec la façon dont Foucault envisageait les rapports entre savoir et pouvoir et cherchait à cultiver pour son propre compte une critique insérée dans son propre présent ? Avec la façon dont diverses traditions de sciences sociales ont posé la question de l’objectivité ? Mais également : en quoi les enjeux épistémologiques, politiques et éthiques des savoirs situés se rapprochent-ils et diffèrent-ils de ceux identifiés par l’historiographie « d’en bas » d’E.P. Thompson et par les Subaltern Studies (Ranajit Guha, Gayatri C. Spivak, etc.) – ces dernières étant contemporaines des vifs débats autour de l’objectivité féministe ?

Faire voir et entendre les projets de celles et ceux qui, aujourd’hui, réactivent les possibilités ouvertes par la proposition des savoirs situés. À travers ce dernier axe, nous souhaitons explorer l’actualité des savoirs situés. Pourquoi nous importe-t-il, aujourd’hui, de nous engager pour des savoirs situés – que ce soit dans le champ académique ou en dehors, sur le terrain des disciplines universitaires traditionnelles ou sur celui des études décoloniales, féministes, queer ou environnementales ? En quoi la proposition de savoirs situés déplace-telle les frontières du savoir et du pouvoir (entre théorie et pratique, entre savoirs savants et savoirs profanes, entre sciences et politique) et comment renouvelle-t-elle la pensée critique ? À quels besoins et quels projets la proposition des savoirs situés – c’est-à-dire de savoirs incarnés (embodied) et localisés, bâtis sur des connexions partielles et ouvertes — répond-elle aujourd’hui en des temps marqués par de fortes incertitudes politiques et environnementales d’un côté et, de l’autre, par la reprise des mouvements de lutte contre les dominations de genre, de race et de classe ? Les savoirs situés réclament-ils l’usage ou l’invention de modes d’expression spécifique et si oui, lesquels ? Quelles en sont, aujourd’hui, les significations épistémologiques, politiques et éthiques ? Comment les savoirs situés remanient-ils les rapports entre éthique et politique ?

En ancrant leurs propositions dans l’analyse de textes épistémologiques féministes, décoloniaux, queer et/ou dans le partage d’expériences et de vécus issus des divers champs des sciences (à la fois humaines, naturelles et sociales), les interventions de ce séminaire et du colloque exploreront l’un ou plusieurs de ces trois axes.

Modalités pratiques
Souhaitant créer une communauté autour de ces questions, nous prévoyons une temporalité longue, sur deux ans, avec un séminaire en 2022, prolongé par un colloque en mars 2023. Les participant∙e∙s au séminaire seront les bienvenu∙e∙s à participer en tant qu’auditeur∙ice∙s au colloque, mais le présent appel à contributions vaut exclusivement pour le séminaire – le programme du colloque étant à ce stade seulement en préparation.

Le séminaire de recherche de 2022 consistera en 4 séances d’une journée chacune prévues aux dates suivantes : jeudi 3 mars 2022, jeudi 28 avril 2022, vendredi 7 octobre 2022, vendredi 2 décembre 2022.

Les interventions dureront 40 minutes et seront suivies de 20 minutes de discussions.

Les propositions de contribution (400 mots max.), accompagnées d’un titre, d’une bibliographie indicative, et des affiliations de l’auteur∙ice doivent être envoyées pour le 15 janvier 2022 à l’adresse suivante : savoirssitues@uliege.be

Les langues des propositions et des contributions sont le français et l’anglais.

Le séminaire sera suivi d’une publication (soumise à peer review).

Comité d’organisation :
Laura Aristizabal Arango ; Florence Caeymaex ; Marie Kill.