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Invisibles ou trop visibles vieilles

Invisibles ou trop visibles vieilles

Appel à contributions pour le numéro de Nouvelles Questions Féministes 41/1 2022

Farinaz Fassa, Vanina Mozziconacci, Clothilde Palazzo-Crettol, Marion Repetti (coord.)

La situation de pandémie du Covid-19 constitue un moment de cristallisation des catégories et révèle les regards qui se portent sur la vieillesse. Présenté·e·s comme les sujets à protéger à tout prix, les vieilles et les vieux sont aussi rappelé·e·s à leurs devoirs, leur sauvegarde physique justifiant qu’elles et ils quittent l’espace social. Ainsi, même si la lutte contre l’épidémie met les sujets âgé∙e∙s en lumière, les discours sociaux leur prêtent des caractéristiques uniformes. Ils insistent sur leurs faiblesses face à la maladie mais reflètent également l’ampleur de ce qu’elles et ils mettent à disposition du bien commun par leurs engagements bénévoles – reconnaissance qui se limite néanmoins la plupart du temps à la garde des petits-enfants. Ce moment historique nous paraît particulièrement propice pour revenir sur les deux figures d’altérité proposées par Beauvoir dans La vieillesse. Elle écrit que, tout comme les femmes, les « vieillards » sont exclus de l’« universel ». En dépassant la seule analogie entre ces deux figures d’altérité et en cherchant à les penser ensemble, nous proposons une autre interrogation : les vieillardes sont-elles des femmes comme les autres ? Les critiques – de plus en plus nombreuses depuis les années 1970 – de l’universalisation abusive de la situation de certaines femmes ont été fondatrices de féminismes à l’intersection des luttes contre le racisme et contre le sexisme. Toutefois, l’un des angles morts de ces critiques a été pendant longtemps la question de l’âge dans ses multiples dimensions (physiologique, symbolique, économique ou sociale). Cette lacune a des raisons liées aux spécificités de la catégorie d’âge, qui n’est pas à proprement parler un rapport d’exploitation, mais qui reste marquée dans les sociétés occidentales, et peut-être ailleurs, au sceau de l’improductivité. C’est pourquoi penser dans une perspective matérialiste les sujets femmes âgées dans leur diversité générationnelle ou statutaire et dans la pluralité des espaces (chez elles, en institution ou à l’étranger loin des leurs) devient plus que jamais une nécessité.

Vieillesses et imbrication des rapports de domination
Nombre d’études soulignent que la division sexuelle et racisée du travail se perpétue dans la vieillesse. Une grande précarité, conséquence des inégalités héritées de l’organisation patriarcale du travail, configure particulièrement le vieillissement au féminin. Le travail gratuit qu’elles ont effectué toute leur vie le reste, contribuant ainsi à la vigueur du mode de production domestique et à sa non-reconnaissance. La reproduction de ce système d’exploitation des femmes dans la vieillesse touche les femmes de toutes les classes d’âge, comme le montre la crise du Covid 19. Elles sont les principales actrices du travail donné au sein du foyer ou dans d’autres lieux du vieillir. Les possibles redistributions du care, les situations extraordinaires, et la réception de celui-ci par les vieilles femmes méritent d’être mises en lumière tout comme les expériences de révolte et d’émancipation qui les accompagnent.

Territoires du genre, vécus matériels et corporels
Le genre assigne une corporéité différenciée à chacun·e. Différentes formes de domination, telles que l’âgisme, sont opérantes dans la vie quotidienne des femmes âgées, construisant par-là de nouvelles oppressions et notamment une forme d’invisibilité. Certaines thématiques ne sont presque jamais abordées. Par exemple, les questions liées à l’affectivité et la sexualité des vieilles femmes demeurent relativement peu explorées dans les recherches, tout comme celles sur les violences faites aux femmes très âgées. Plus généralement, on a relativement peu de données sur les conditions concrètes qui permettent aux sujets agé∙e∙s de s’affranchir de l’impératif moral du bien vieillir et de l’illusion d’une éternelle jeunesse, performant différemment les identités féminines et masculines. Penser les rapports d’âge comme producteurs de marges de liberté pour lutter contre les normes sexuées est à l’évidence un des enjeux à considérer dans une perspective féministe. Valoriser l’héritage de vieilles « ordinaires » et de pionnières d’une nouvelle définition de la vieillesse rend possible la résistance aux injonctions qui touchent la vieillesse. Qui sont les résistant∙e∙s ? Quelles sont leurs stratégies ?

On peut également supposer que les identités de genre transforment la vieillesse et sont transformées par elle. Lorsqu’on est vieux, vieilles, ou vieilleux, les identités et les orientations sexuelles ne sont pas toujours prises en compte et peuvent être discréditées en fonction de certaines conditions de vie. Ainsi des facteurs matériels (finances ou habitat) peuvent contribuer à obérer l’autodétermination des personnes concernées dans leur vie intime. Pourtant des ressources d’agentivité et de reprise de pouvoir sont aussi mobilisées dans des situations de vulnérabilité ou de fragilisation progressive liées à l’avancée en âge et il importe d’étudier leurs manifestations et les arrangements consentis pour avoir accès à une part d’autodétermination.

Vieilles comme sujets du féminisme
Déterminer la place du sujet vieillissant dans les théorisations féministes nous semble important. Il s’agit ici d’analyser la figure de la « vieille » ou de la « vieillarde » telle qu’elle est mobilisée dans des textes qui visent à définir et à lutter contre l’injustice faite aux femmes en tant que femmes. Nous faisons l’hypothèse que cette figure est ambiguë, oscillant entre deux modèles opposés. La vieille semble représenter une cible de la misogynie dans ses formes les plus exacerbées ou, à l’inverse, un symbole d’émancipation, de sororité, voire de subversion. Les vieillardes seraient alors soit dominées parmi les dominé∙e∙s, soit, au contraire, des transfuges, libérées de la classe des femmes. De telles analyses du sujet vieillissant permettraient de repenser certaines questions classiques du féminisme, tout en problématisant une certaine « relégation » ou invisibilité de ce même sujet au sein des théories politiques.

Dans une approche croisée et critique, ce numéro se veut international et pluridisciplinaire. Il cherche à récolter des contributions sociologiques, philosophiques, psychologiques, économiques, de politiques sociales portant sur l’articulation des différents rapports sociaux et qui questionnent les manières dont se vivent les dimensions d’égalité et de liberté dans les situations particulières décrites plus haut. Les propositions peuvent être d’ordre théorique ou reposer sur des enquêtes empiriques.

Les propositions d’articles de deux pages maximum sont attendues pour le 30 septembre 2020 en format Word, envoyées par courriel à clothilde.palazzo@hevs.ch<mailto:clothilde.palazzo@hevs.ch> et Farinaz.FassaRecrosio@unil.ch<mailto:Farinaz.FassaRecrosio@unil.ch>. La 1ère version des articles retenus devra être soumise à la rédaction de NQF d’ici le 15 avril 2021, dans un format conforme aux consignes aux auteur·e·s consultables sur le site de Nouvelles Questions Féministes<http://nouvellesquestionsfeministes.ch/soumissions-darticles/>. Le numéro sortira en 2022.