Lutte contre l’homophobie, le sida et la “débauche” en Belgique: hommage à Michel Vincineau
Cette journée d’étude et de témoignages vise à rendre hommage et faire connaître la pensée et l’engagement militant de Michel Vincineau, brillant juriste belge nous ayant quitté·e·s en 2017. Docteur en droit de l’Université libre de Bruxelles (1963), Michel Vincineau s’est intéressé à de multiples thématiques (droit international, commerce des armes, droit de l’environnement, droit des étrangers, etc.), mais sa carrière et sa trajectoire personnelle ont été particulièrement marquées par la lutte contre l’homophobie et l’engagement dans la lutte contre l’épidémie de sida.
Il a d’abord été un des premiers professeurs d’université à s’affirmer ouvertement homosexuel. L’originalité de sa trajectoire intellectuelle et militante résidait également dans le fait d’avoir participé à l’ouverture du sauna Le Macho à Anvers en 1979, tenu par son compagnon Rudy Haenen, et à celle du Macho II à Bruxelles en 1983. Avec l’arrivée de l’épidémie de VIH/sida au milieu des années 1980, Michel Vincineau et Rudy Haenen ont été poursuivis pour tenue de maisons de débauche, ce qui a donné lieu à une bataille juridique autour de cette notion qui, conçue au départ comme synonyme de prostitution, en était venue à caractériser les rapports entre personnes de même sexe. La réflexion de Vincineau à ce sujet a abouti à la publication de deux ouvrages, le premier intitulé La débauche en droit et le droit à la débauche (Editions de l’ULB, 1985) et le second Proxénétisme, débauche ou prostitution depuis 1810 (Bruylant, 2006).
Toujours en 1985, Michel Vincineau a collaboré à l’élaboration d’une proposition de loi abrogeant l’article 372 bis, la disposition du code pénal qui maintenait une discrimination sur base de l’orientation sexuelle en fixant la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels à 18 ans contre 16 ans pour ceux entre personnes de sexe différent.
Face à l’hécatombe du sida et pour contrer l’inactivité des pouvoir publics, Vincineau a aussi décidé de créer la première association de lutte contre le sida en Belgique : Appel Homo Sida en 1985, devenue Aide Info Sida en 1987. Il a également été membre fondateur et président de l’asbl Espace P, qui se bat pour les droits et la prévention du sida auprès des personnes prostituées.
Vincineau a enfin impulsé d’importantes recherches autour des discriminations liées au VIH/sida, organisé deux ambitieux colloques à ce sujet, dont il a dirigé les actes : Le sida, un défi aux droits (Bruylant, 1991) puis Le sida, stimulateur des discriminations (Bruylant, 2002). Ses travaux ont abordé les thématiques du secret médical, de la responsabilité juridique des personnes vivant avec le VIH, du contrat d’union civile entre personnes de même sexe, du droit d’entrée et de séjour pour les personnes malades étrangères, de la réglementation de la prostitution ou encore de la répression de la toxicomanie, avec des propositions concrètes de modification juridique. Comme il l’annonçait dans l’introduction de ce dernier colloque, il se livrait ainsi, avec ses nombreux collègues, à « un véritable exercice de démocratie » (2002 : 20).
Cette journée d’étude, co-organisée par l’Observatoire du sida et des sexualités (USL-B), STRIGES (ULB) et Ex Æquo, a pour objectif de poursuivre cet élan, de revenir sur l’ensemble des apports de Michel Vincineau, à la fois dans un souci de mémoire historique, mais aussi afin d’envisager l’actualité de sa pensée et l’évolution des enjeux qu’elle soulève. Trois thématiques seront développées.