Sexualité et classes sociales. Décloisonnement thématique, enjeux méthodologiques
Maison des Sciences de l’Homme Lyon – Saint-Etienne
14 avenue Berthelot Lyon 7ème
29 septembre – 1er octobre 2021
Le colloque Sexualité et classes sociales propose d’approfondir la réflexion scientifique concernant les façons dont la sexualité et la classe s’articulent et se co-construisent. Il a pour ambition d’établir un état des lieux collectif et d’inviter à une large discussion autour des théories, concepts, méthodes et matériaux mobilisés et mobilisables pour penser la sexualité dans une perspective sociologique. La sociologie de la sexualité s’est développée ces dernières années, en lien en particulier avec les travaux en études de genre, et dans l’articulation avec d’autres rapports sociaux. Ce colloque cherche à approfondir les perspectives théoriques, conceptuelles et méthodologiques sous l’angle de la classe sociale, une dimension sociale moins intégrée que d’autres (le genre et la race, en particulier) dans les travaux sur la sexualité, notamment en France, alors que nombreux sont ceux portant sur la question de l’homogamie sociale (Bouchet-Valat et Grobon, 2019 ; Bozon et Héran, 1987, 1988 ; Forsé et Chauvel, 1995 ; Vanderschelden, 2006). Inversement, les travaux portant sur les classes sociales ont jusqu’à présent fait peu de place aux questions de sexualité, souvent laissées par conséquent à l’écart ou traitées à la marge d’enquêtes sur les classes sociales, et leurs pratiques culturelles (Atkinson, 2017 ; Bourdieu, 1979 ; Coulangeon et Duval, 2013 ; Siblot et al., 2015).
Pourtant, dans le sillon du développement de travaux croisant les rapports de domination, une tendance nouvelle émerge au sein de travaux récents, qui prennent en compte et cherchent à penser ensemble rapports de classe et sexualité, de diverses façons. Des chercheur.e.s se penchent ainsi sur les fractions racisées des classes populaires (Anelli, 2012 ; Clair, 2008 ; Clair et Descoutures, 2009), sur la dimension socio-spatiale de la sexualité (Blidon, 2016 ; Blidon et Guérin-Pace, 2013 ; Giraud, 2011, 2014, 2016 ; Rault, 2016 ; Rebucini, 2011), sur les variations et la distribution de ses formes (dispositions et trajectoires) à travers l’espace social (Beaubatie, 2019 ; Monteil, 2019), sur sa dimension distinctive, et les significations dont elle est investie en tant que « marqueur privilégié naturalisant les rapports de pouvoir » (Clair, 2012) et instituant ou renforçant des démarcations entre groupes sociaux (Guénif Souilamas et Macé, 2004 ; Skeggs, [1997] 2015 ; Tissot, 2018). Ici, la sociologie rejoint l’histoire de la sexualité, qui analyse depuis longtemps les (re)configurations de la sexualité à l’aune des rapports de classe, des statuts sociaux ou encore des recompositions de la structure sociale (Chauncey, 2003 ; D’Emilio, 1999 ; Steinberg, 2018), et trouve son prolongement dans des travaux contemporains étudiant l’effet de la mondialisation des rapports capitalistes sur les dynamiques sexuelles locales (Broqua et Eboko, 2009). Ces nouvelles approches restent toutefois pour l’instant relativement éparses, et n’ont pas fait l’objet de discussions systématiques ni vraiment de rapprochements ou de dialogue entre elles. L’objectif de ce colloque est ainsi d’interroger ce que la prise en compte des rapports de classe amène à la sociologie de la sexualité et, réciproquement, ce que la sociologie de la sexualité fait aux analyses en termes de classe. Plus qu’un simple dialogue entre souschamp disciplinaires, il s’agit de mettre en évidence ce que peut apporter une analyse en termes de classe sociale à la sociologie de la sexualité, à côté, ou dans l’imbrication avec d’autres rapports de pouvoir. Un deuxième objectif, à plus long terme, serait de « désexotiser » et départiculariser l’objet même de sexualité au-delà du statu quo actuel dans les sciences sociales, pour inviter des chercheur.e.s travaillant sur des objets aussi divers que la famille, le travail, l’éducation ou encore la culture dans une dimension de classe, à s’en emparer dans leurs propres travaux. En ce sens, il ne s’adresse pas uniquement aux chercheur.e.s sur la sexualité, mais à tou.te.s les chercheur.e.s adoptant une perspective de classe, invitant à étendre leurs périmètres d’investigation ordinaire en s’appropriant un objet à propos duquel, comme pour le genre, la légitimité des sciences sociales est parfois encore contestée.
Plus précisément, ce colloque s’oriente autour de trois thématiques, ou trois interrogations transversales développés ci-dessous. En plus de ces trois axes, nous invitons les participant.es à réfléchir et proposer des communications centrées sur les questions méthodologiques. Que provoque le fait d’annoncer explicitement une enquête sur la sexualité ? Quels effets sur les résultats ? Outre des représentations, que saisissons-nous des pratiques ? Comment et jusqu’à quel point ces pratiques s’énoncent-elles ? D’autre part, des réflexions communes à la sociologie de la sexualité comme à la sociologie des classes sociales sont aussi notables, en particulier autour des indicateurs et de leur pertinence pour mesurer certains phénomènes sociaux, ou encore sur les manières de catégoriser l’espace social / l’espace du genre ou des sexualités. L’interpénétration de certains concepts, questionnements, outils de mesure est nette, que ce soit, par exemple les références communes à la socio-histoire des catégories statistiques et l’utilisation des travaux sur les processus de classification sociale (Boltanski et Thévenot, 2015 ; Desrosières, 2008 ; Trachman et Lejbowicz, 2018), ou encore dans les questionnements sur les méthodes et leurs croisements.
Axe 1. L’espace social de la sexualité : socialisations, dispositions et trajectoires
Axe 2. Normes sexuelles et ordonnancement du social : individus, groupes sociaux, institutions
Axe 3. Inégalités de genre, inégalités sociales, inégalités sexuelles
Ce colloque souhaite ainsi prolonger, diversifier et croiser des questionnements souvent épars articulant sexualité et classes sociales, dans une perspective de décloisonnement entre sous-champ disciplinaires et en leur sein. De ce fait, il s’adresse tout autant à des chercheuses et chercheurs en sciences sociales de la sexualité qu’à celles et ceux qui, travaillant plus spécifiquement sur les enjeux de classe ou de stratification sociales, souhaiteraient explorer plus avant le domaine de la sexualité.
Calendrier et informations pratiques
Cet événement scientifique se tiendra du 29 septembre au 1er octobre 2021 à la Maison des Sciences de l’Homme de Lyon, 14 avenue Berthelot 69007 Lyon.
Les propositions de communication sont à envoyer au plus tard le 3 mai 2021 à l’adresse suivante : colloque.sexclasse@protonmail.com
D’une taille maximale de 2 500 signes (espaces compris), elles devront comporter le titre de la communication, le statut et l’institution de rattachement de la / du communicant.e, une adresse email ainsi qu’un résumé exposant la question traitée. La décision du comité scientifique sera communiquée aux auteur·rice·s le 11 juin 2021. Afin de préparer au mieux les sessions et discussions, un texte devra être envoyé avant le 6 septembre 2021.
Le colloque se tiendra en présentiel, sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire.
Comité d’organisation
Marion MAUDET
Lucas MONTEIL
Emmanuelle SANTELLI
Comité scientifique
Emmanuel BEAUBATIE, Chercheur post-doctoral à l’Université de Genève, sociologie, Institut des études genre
Marie BERGSTRÖM, Chargée de recherche Ined, sociologie-démographie
Marianne BLIDON, Maîtresse de conférences à l’Université Paris 1, géographie, IDUP, CRIDUP
Christophe BROQUA, Chargé de recherche CNRS, socio-anthropologie, IMAF
Sébastien CHAUVIN, Professeur associé à l’Université de Lausanne, sociologie, CEG
Pauline DELAGE, Chargée de recherche CNRS, sociologie, CRESPPA
Jeanne DROUET, Ingénieure CNRS, socio-anthropologie, CMW
Camille FRANÇOIS, Maître de conférences à l’Université Paris 1, sociologie, CESSP
Pierre GILBERT, Maître de conférences à l’Université Paris 8, science politique-sociologie, CRESPPA
Gwenaëlle MAINSANT, Chargée de recherche CNRS, sociologie, IRISSO
Marion MAUDET, Maîtresse de conférences à l’Université Lyon 2, sociologie, CMW
Lucas MONTEIL, Chercheur post-doctoral à l’Université Libre de Bruxelles, science politique-sociologie, LAMC / Institut de sociologie
Wilfried RAULT, Chargé de recherche Ined, sociologie-démographie
Gianfranco REBUCINI, Chargé de recherche CNRS, socio-anthropologie, IIAC
Emmanuelle SANTELLI, Directrice de recherche CNRS, sociologie, CMW
Sylvie TISSOT, Professeure à l’Université Paris 8, science politique-sociologie, CRESPPA
Mathieu TRACHMAN, Chargé de recherche Ined, sociologie-démographie
Arthur VUATTOUX, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord, sociologie, IRIS